L'avenir appartient aux petites nations

L’avenir appartient aux petites nations

La crise sanitaire atténue le clivage entre pays développés et pays émergents.
Un classement publié par un think-tank australien, le "Lowy Institute", place la France en très mauvaise position par rapport aux autres pays quant à sa gestion de la crise sanitaire. Dans cette étude, l’efficacité des États ne dépend plus réellement de leur richesse, relève Maxime Tandonnet dans "Le Figaro".
"J’ai volé trop loin dans l’avenir. Un frisson d’horreur m’a assailli," raconte Zarathoustra, sous la plume de Nietzsche. L’histoire contemporaine est marquée par de profondes ruptures qui interviennent tous les dix ou vingt ans et bousculent les certitudes et les équilibres de la société internationale. Le 8 mai 1945 ; la décolonisation ; la défaite américaine au Vietnam en 1975 ; la chute de l’URSS en 1991 ; le 11 septembre 2001. La crise planétaire du Covid-19, sur le plan sanitaire, comme sur celui de son impact moral, économique et social, est une nouvelle secousse mondiale dont chacun pressent que les conséquences seront titanesques.
Face au brouillard de l’avenir, tous les efforts d’analyse et de prospective méritent de retenir l’attention. L’institut australien "Lowy publie" un classement des États au regard de la qualité de leur traitement politique de la crise du Covid-19. Son approche présente sans doute des imperfections tenant aux sources hétérogènes des statistiques utilisées. Toutefois, cette étude comparative a l’intérêt de fournir un panorama global fondé sur des critères objectifs. Elle repose sur plusieurs paramètres, dont le nombre de cas confirmés et celui des morts par million d’habitants, celui des cas confirmés par millier de tests et celui des tests réalisés pour 1000 personnes. Chaque pays se voit décerner une note entre 0 et 100 points.
Cette étude peut être révélatrice de ce que seront la capacité de résistance et le potentiel d’influence des États dans le monde de l’avenir.
L’étude australienne revient, de fait (avec toutes les limites s’attachant à l’exercice), à mesurer les facultés d’adaptation des Nations face à une épidémie globale et ses conséquences psychologiques, c’est-à-dire une crise typique de la mondialisation. Ainsi, elle peut être révélatrice de ce que seront la capacité de résistance et le potentiel d’influence des États dans le monde de l’avenir. Ses résultats bouleversent les certitudes et les évidences au regard de l’échelle traditionnelle des puissances.
Ainsi, ils relativisent le clivage entre pays développés et pays émergents ou en développement. Parmi les plus spectaculaires réussites, se trouvent des États traditionnellement classés au bas de la hiérarchie du développement : le Rwanda, 6ème ou le Sri Lanka, 10ème. Certains grands États industriels se situent en queue de classement, dont la première puissance mondiale, 94ème sur 98... La densité du peuplement des uns et des autres n’est évidemment pas comparable, mais pour la première fois, face à la tempête de la Covid-19, l’urbanisation massive se présente comme une fragilité.
Selon la moyenne établie par le "Lowy Institute", les pays développés conservent certes un avantage, mais avec une marge réduite, et sans le moindre rapport avec l’écart des richesses: 57,4 points contre 44,5. Ces résultats mettent aussi en question le lien entre la réussite et la dimension des États (surface, population). Une leçon évidente se dégage de la crise de la Covid-19: "Small is beautiful" [C'est ce qui est petit qui est beau]. Les six premiers succès reviennent à la Nouvelle Zélande (94,4 points), le Vietnam, Taïwan, la Thaïlande, Chypre, le Rwanda. En revanche, les grands pays font naufrage: la Russie, à la 73ème place, l’Inde à la 86ème, Les USA à la 94ème, le Brésil à la 98ème.
Cette étude établit enfin la supériorité des organisations politiques fondées sur le respect de la démocratie et les libertés sur les systèmes autoritaires.
L’avenir, dans le monde global, appartient aux petites et moyennes nations — susceptibles de se coaliser [ou de se confédérer] —face aux superpuissances et aux empires. 

L’étude le suggère sérieusement attribuant une moyenne de 56,5 points aux petits États, 47,2 aux moyens et 31,7 aux grands. La Chine quant à elle n’est pas évaluée en raison du manque de fiabilité de ses statistiques.
Cette étude établit enfin la supériorité des organisations politiques fondées sur le respect de la démocratie et les libertés sur les systèmes autoritaires. De manière emblématique, elle oppose la Nouvelle-Zélande, en tête du classement, à l’Iran des Ayatollahs, parmi les derniers, justes devant le Brésil. Au total, la moyenne des pays démocratiques est de 50,8 points et celle des systèmes autoritaires de 49,2 points. Ce résultat peut sembler paradoxal : un système autoritaire est présumé adapté aux situations de crise en raison de sa capacité à imposer des contraintes.
Dans les faits, face à une situation épidémique, face aux crises de demain, le secret de la réussite semble davantage tenir à la cohésion des peuples, à l’esprit de confiance qui les anime qu’à la rigueur bureaucratique.
Elle met enfin en lumière la faillite de la politique française, comme si la crise de la covid-19 était révélatrice d’un spectaculaire déclin.
La France se situerait au 73ème rang pour la qualité de sa gestion politique de la covid-19, derrière l’Allemagne (55ème), l’Italie (59ème), le Royaume-Uni (66ème), la Belgique (72ème).
La responsabilité de cette débâcle est sans doute le fruit d’un effondrement de long terme. Elle procède, au moins en partie, d’un mode d’exercice du pouvoir politique fondé sur le culte de la personnalité, le spectacle narcissique et manipulateur et la grandiloquence stérile, l’obsession de la réélection au détriment du bien commun et le mépris des gens qui détruit la confiance populaire.
Par-delà les échéances électorales, la déroute française face à la crise du covid-19 pourrait être l’occasion d’un questionnement national sur les causes de l’échec et d’une remise en question salutaire d’un modèle qui de toute évidence, conduit à l’abîme. Mais pour l’instant, l’heure est à l’aveuglement et au déni.
Le Figaro, Île de France

mp2017

Close