Histoire comparée

Sommes-nous vraiment en démocratie ? Comparons avec nos voisins Suisses.

Un bref historique en préambule est nécessaire pour expliquer l’origine fondamentale de la profonde différence socioculturelle entre la Suisse et la France.
Pour faire simple, ces deux États européens voisins se sont construits de manière complètement opposée, ce qui explique déjà en amont beaucoup de choses.
Tout commence par le "Pacte Fédéral" : en 1291, trois cantons montagneux alpins (dont celui de Schwytz qui donnera le nom au pays : Suisse) font alliance et proclament leur indépendance de l’Autriche. Cette indépendance devient effective en battant Léopold 1er d’Autriche à la bataille de Morgarten. Par la suite, d’autres citoyens épris de liberté s’émanciperont eux aussi du système féodal : beaucoup d’autres cantons viendront alors se greffer sur cette Suisse originelle pour aboutir à la Confédération Suisse que nous connaissons aujourd’hui.

La Suisse

Bien comprendre dès le départ le mode de fonctionnement du système confédéral : ce sont des cantons, soit de toutes petites entités territoriales, qui s’allient par nécessité, et qui confient à un échelon supérieur ce qui n’est pas pertinent de gérer à un niveau local. Autrefois, le "Pacte Fédéral" a eu pour vocation de constituer une armée commune capable de tenir tête militairement à la puissante Autriche. De nos jours, à part l’armée, les cantons délèguent également entre autres à l’échelon supérieur la gestion des autoroutes et des infrastructures ferroviaires.
Ce mode de fonctionnement dès l’origine de la Suisse en 1291 explique que la démocratie directe soit pour ainsi dire dans les gènes des citoyens de ce pays : c’est « la base » qui décide, la commune ou le canton, et qui par pragmatisme, délègue à l’échelon supérieur, le conseil fédéral (l’État), ce qui n’est pas pertinent de gérer à un niveau local. Des garde-fous institutionnels veillent à ce que ledit échelon supérieur n’empiète pas sur les libertés individuelles, avec une séparation verticale des pouvoirs : Le pouvoir de l'État fédéral suisse est limité par les « principes de subsidiarité », ce qui signifie qu'une instance étatique d'un niveau donné ne doit intervenir que lorsque les autorités situées hiérarchiquement en dessous ne sont pas en mesure d'agir pour l'objet concerné (exemples évoqués précédemment des autoroutes ou de l’armée).
Ceci explique bien des choses, à commencer par la tradition de démocratie participative solidement ancrée dans les mœurs (référendums et « initiatives citoyennes »).
Au passage, il n’existe que trois échelons en Suisse : la commune, le canton, l’État (le conseil fédéral).

La France,

Au contraire de la Suisse, La France s’est construite de la manière inverse. Le Royaume de France est né d’une série de conquêtes brutales et annexions diverses.
Implanté en Île-de-France (d’où le nom), la dynastie des Capétiens (les Comtes de Paris) a écrasé militairement la concurrence (dynastie des Plantagenêts) et progressivement envahi à partir de l’an 987 toutes les principautés, tous les duchés et comtés voisins (fiefs), voire au-delà (colonies).

Le royaume d'Hugues Capet vers 995

Le royaume d'Hugues Capet vers 995

Pour ne citer que les principaux conquérants, Philippe Auguste (Normandie, Champagne, Auvergne et Flandres entre 1180-1223), Saint-Louis et son fils Philippe III le Hardi (Comté de Toulouse, Rouergue, Gévaudan et Poitou entre 1229 et 1271), Charles VII et son fils Louis XI (Guyenne, Armagnac, Provence, Bourgogne, Maine, Anjou et Bretagne entre 1453 et 1483), Louis XIV (Artois, Alsace, Roussillon, Guyane entre 1643 et 1715), Louis XV (Lorraine, 1766 ; Corse 1768).

À noter que la dynastie Bonaparte poursuivra cette politique expansionniste au 19ème siècle, et si l’Empire de Napoléon Ier n’a été qu’un feu-de-paille, son neveu Napoléon III, lui, annexera la Nouvelle-Calédonie (1853), Nice et la Savoie (1860).

Ici, point de démocratie, les monarques siégeant en région parisienne (Capétiens-Valois-Bourbons, puis Bonapartes) n’ont eu de cesse d’asseoir une autorité de plus en plus écrasante sur les territoires annexés, réprimant sans état d’âme rébellions (la Bretagne tentant de récupérer son indépendance de temps à autre) et jacqueries ("croquants" Occitans du Limousin, Périgord, Guyenne et Quercy fin 16ème – début 17ème siècle).
De fait, sous l’Ancien Régime, l’autoritarisme exacerbé de l’aristocratie française, la recherche du contrôle total du territoire a détourné au 17ème siècle le traditionnel système féodal vers ce modèle assez particulier de "monarchie absolue", modèle le plus tyrannique, le plus anti-démocratique qui soit, système pyramidal ultra-centralisé autour d’une seule et unique personne, le roi.

On acte donc par l’analyse de leur histoire que la Suisse et la France illustrent deux cas diamétralement opposés : pas de verticalité de l’État en Suisse (fédéralisme). En France : autoritarisme et contrôle depuis le sommet de l’État, concentration des pouvoirs par un seul homme, en un seul lieu (le roi, en région parisienne).

Entre les deux en Europe, les autres empires, royaumes, principautés, duchés et comtés fonctionnant sur la base du modèle intermédiaire « féodal », pas le moins du monde démocratique, mais avec un certain équilibre : la complexité du système féodal fait que l’aristocratie doit composer avec de nombreux contre-pouvoirs (villes libres, fiefs mouvants, rôle prépondérant du clergé etc).

Europe, 17ème siècle

L’Europe au 17e siècle : la structure féodale complexe du Saint-Empire romain en Europe centrale s’oppose nettement à celle plus monolithique de royaumes centralisés et tyranniques comme la France, l’Espagne voire l’Angleterre.

Le pouvoir absolu des rois de France à partir de Louis XIII et Louis XIV est un cas de figure assez rare, même pour l’époque. C’est déjà un début d’explication : culturellement formaté pour être contrôlé par Paris et avoir à sa tête un monarque, le peuple de France n’a peut-être même pas conscience aujourd’hui de la nature profondément anti-démocratique de sa soi-disant « République » !


Extraits de l'article de Jiròni  sur  le site :

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-imposture-republicaine-en-france-212052

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