Léopold Kohr: Un penseur de référence

Léopold Kohr, un penseur de référence concernant les sociétés à échelle humaine écrit : "Un monde de petits États résoudrait non seulement les problèmes de la brutalité sociale et de la guerre ; il résoudrait les problèmes de l'oppression et de la tyrannie. Il résoudrait tous les problèmes qui viennent de pouvoirs ».

Léopold Kohr, philosophe allemand qui reçut le prix Nobel alternatif en 1983, était un économiste, juriste, théoricien politique et philosophe, à l'origine des concepts d'échelle humaine et de "small is beautiful" [ce qui est petit est beau], notamment de l'idée d'un retour à la vie en petites communautés.
Kohr se décrit lui-même comme un anarchiste philosophique. Fasciné par les tentatives de ses contemporains des « sciences dures » d'élaborer des théories u
nitaires, il avait pour ambition de montrer que certaines grandeurs physiques sont pertinentes en sciences sociales, et d'y développer une théorie du tout.

Après la deuxième guerre mondiale, quand tout le monde pensait que la croissance pouvait résoudre tous les problèmes, Kohr était un ferme opposant de cette idée. Il voulait un monde à la mesure de l'homme. Ses théories ont largement anticipé les idées écologistes de décroissance soutenable ou de développement endogène. Voyant les misères dont souffre l'humanité (tyrannie, guerre, pauvreté), Kohr a analysé les explications qui en ont successivement été données de l’Antiquité au xxe siècle. À partir de nombreux cas concrets il a pointé les qualités et les défauts de toutes ces explications. S'appuyant sur cette analyse et cette diversité de cas concrets de tous types il a recherché les causes premières de ces misères :

1. Chaque fois qu'un être humain ou un groupe humain a le pouvoir de "se faire plaisir" sans encourir de "punition" il le fait, quelles que soient la moralité de ces actes ou les conséquences pour d'autres êtres humains ou groupes humains,
2. Quand un problème se pose séparément à plusieurs groupes humains, tenter de le résoudre par une structure supérieure ne fait que le complexifier. Cette complexification n'est jamais linéaire, mais la plupart du temps exponentielle.
3. Kohr identifie, alors, la taille d'une population comme étant l'élément décisif des misères dont elle souffre. La taille intervient pour une société à la manière dont elle intervient pour un gratte-ciel : au fur et à mesure qu'on leur rajoute des étages il faut ajouter des ascenseurs, jusqu'à ce que les étages inférieurs soient entièrement occupés par les cages d'ascenseurs.
La vitesse est le second élément qui module le premier. Plus la vitesse d'une population est élevée plus l'eff
et de sa taille se fait sentir en raison de l'augmentation des interactions effectives entre individus.

Kohr vérifie ces hypothèses sur de nombreux cas réels, anciens ou très récents, et se risque à des pronostics, susceptibles de réfuter sa théorie, qui le feront entrer dans le cercle très restreint des théoriciens en sciences sociales dont des prévisions à long terme se sont réalisées. Dès 1950 il prévoit l'effondrement inéluctable de l'URSS en raison de sa taille et de sa centralisation excessives. Il prévoit également que la conséquence en sera la transformation des États-Unis d'Amérique en un empire mondial dictant ses exigences à l'ensemble des gouvernements de la planète, et ceci quel que soit son niveau de démocratie interne.

Une des anecdotes préférées de Kohr concerna les avantages, pour un individu, de vivre dans un État de petite taille. Il s'était rendu au Liechtenstein, principauté de 17.000 habitants entre la Suisse et l'Autriche. Il souhaitait rencontrer le Premier ministre. Il se rendit au château, sonna à la porte, et l'homme qui ouvrit la porte et le fit entrer, qu'il prit tout d'abord pour un employé, se révéla être le Premier ministre lui-même. Et quand, alors qu'ils étaient assis dans son bureau et bavardaient, le téléphone sonna, le ministre décrocha et dit : "Gouvernement". Le Liechtenstein lui fournit d'autres exemples pour exposer ses idées ; il écrit : "Le premier ministre lui-même était un instituteur et sa fierté était d'être le fils d'un garçon d'étable. Pourtant sans l'aide de docteurs en droit, en économie ou en sciences politiques il prépare un budget dont l'excellence est telle que je le trouve plus utile pour mes étudiants que les énormes documents des grandes puissances dont les problèmes diffèrent de ceux du Liechtenstein non par leur nature mais par leur caractère ingérable."

Mais c'est la Suisse qui est l'exemple préféré de Kohr. Ce petit pays est une des nations les plus riches, les plus démocratiques et les moins violentes du monde, avec le système social le plus décentralisé. La Confédération Suisse, fondée en 1291 est probablement un des États-nations les plus durables au monde. Bien qu'elle ait adhéré récemment à l'ONU, elle a toujours évité de participer à l'OTAN ou à l'Union européenne. Si on réalise que la Suisse est en réalité constituée de 26 États souverains, les cantons, qui sont eux-mêmes non pas subdivisés mais des associations de communes, on commence à comprendre comment fonctionne une démocratie.

Nous sommes heureux que, quoique pour des raisons purement politiques en apparence, Léopold Kohr aie été un théoricien des petites unités humaines. Nous le sommes aussi et pour des raisons spirituelles car dans les petites unités humaines, l'homme aime, pardonne, fait la paix plus facilement que dans la masse.

Article condensé tiré un échange sur michelpotayblog.net /

Entrée 205 : "Gilets Jaunes"-Réponse (extrait) au commentaire 205c72.

Les 10 principes politiques tirés des travaux de Leopold Kohr :

Le Principe de la Tige de Haricot : Pour chaque animal, objet, institution ou système, il y a une taille optimale qu'il ne devrait pas dépasser.

La Loi de la Négligence Périphérique : Les préoccupations gouvernementales, comme la fidélité matrimoniale ou la gravitation, diminuent avec le carré de la distance.

La Loi de la Taille du Gouvernement : La misère ethnique et sociale augmente en proportion directe de la taille et du pouvoir du gouvernement central d'une nation ou d'un état.

La Loi de Lucca : Toutes choses égales par ailleurs, les territoires sont plus riches quand ils sont petits et indépendants que grands et dépendants.

Le Principe des Limites : Les problèmes sociaux ont tendance à suivre une croissance géométrique, tandis que la capacité des gens à les résoudre, si toutefois elle peut croître, ne suit qu'une croissance arithmétique.

Le Principe de Population : Quand la taille d'une population double, sa complexité - la quantité d'information échangée et de décisions nécessaires - quadruple, avec des augmentations consécutives du stress, des bouleversements et des mécanismes de contrôle social.

La Théorie de la Vitesse de la Population (' Slow is Beautiful ') : La masse d'une population augmente non seulement numériquement, par les naissances, mais par les augmentations de la vitesse avec laquelle elle se déplace.

Le Principe d'Indépendance : Les communautés locales fortement indépendantes ont moins de chance d'être impliquées dans la violence à grande échelle que celles dont l'existence dépend des systèmes mondiaux du commerce.

Les Principes de la Guerre : a) La violence de la guerre est toujours augmentée par une augmentation de la puissance de l'Etat; (b) La guerre augmente la centralisation en fournissant d'une part une excuse pour une augmentation du pouvoir de l'état et d'autre part les moyens par lesquels la réaliser.

La Loi de la Puissance Critique : La puissance critique est la quantité de puissance qui donne aux dirigeants d'un pays des raisons de croire qu'ils ne peuvent être arrêtés par la puissance disponible de quelque antagoniste ou combinaison d'antagonistes existant. Le fait de l'atteindre est la cause inévitable de la guerre.

(Kohr, Schumacher, Kirkpatrick Sale)


Pour aller plus loin : voici  un article tiré de Wikipédia sur les constats des problèmes majeurs liés aux grands groupements humains. 

Nos groupes humains sont trop gros et denses, et c'est la principale cause de nos problèmes majeurs.

Nos dirigeants sont trop loin du terrain pour percevoir directement donc connaître attentes et besoins, et planifient de moins en moins correctement car comprennent de moins en moins. Ils doivent se contenter de rassurer et de réagir.

Les dirigeants honnêtes sont courtisés par des lobbies d'entreprises, qui prétendent les informer mais parsèment leurs messages de mensonges. Le citoyen-type (membre de la "société civile") n'est pas aussi efficacement représenté parce que sa formation (donc son mode de communication) ressemble moins à celle du dirigeant-type que celle d'un lobbyiste, qui de surcroît y consacre, lui, le gros de son énergie. De plus plusieurs groupes de citoyens n'exprimeront pas un unique message cohérent (cette incapacité même conduit aux oscillations de l'opinion qui offre un alibi aux politiques souhaitant imposer leurs vues), sans même évoquer l'astroturfing. Les lobbies, eux, s'entendent afin de formuler des thèses autant que faire se peut compatibles et de se soutenir mutuellement.

Les dirigeants sont d'autant plus tentés d'abuser que leurs pouvoirs et moyens sont énormes (donc que leurs gains seront élevés), qu'il est difficile de les sélectionner puis surveiller (car les citoyens sont loin), et qu'ils ne connaissent pas personnellement leurs victimes. Avez-vous constaté qu'à de rares exception près nous sommes (hors mauvaise humeur passagère) a priori bien disposés vis-à-vis de ceux, même inconnus, avec lesquels nous avons un contact direct, tandis qu'au contraire aider des anonymes vivant au loin nous est plus difficile? Lorsque vous avez rencontré une difficulté urgente (par exemple dans la rue), avez-vous remarqué que des inconnus acceptèrent de vous aider, voire le firent spontanément? Vous-même, lorsque vous avez constaté que quelqu'un est en difficulté, avez-vous plutôt détourné le regard ou bien tenté d'assister? Sur l'autre volet les difficultés de nos associations aidant des pauvres de pays lointains sont connues. Ce n'est pas méchanceté, plutôt "charité bien ordonnée". C'est aussi ce qui explique qu'un dirigeant au loin sera plus tenté de négliger sa mission (la barrière psychologique interdisant d'escroquer des millions d'électeurs inconnus est moins haute que celle qui interdit de voler un voisin).

Pour la même raison de la "solidarité" est à présent contrainte, car à défaut trop s'y soustrairaient. Si chacun pouvait décider de payer des cotisations sociales combien le feraient? Probablement peu, c'est pourquoi elles sont obligatoires. La véritable solidarité est librement décidée, on ne peut y contraindre. Contraindre à être solidaire est aussi absurde que contraindre à être amoureux. Une contrainte ne produit ni solidarité ni amour, et tout au contraire divise.

Plus le pouvoir central est puissant, plus les citoyens en sont dépendants et moins ils sont solidaires entre eux, ce qui augmente constamment sa puissance puisqu'il se pose en arbitre et garant. Nos sociétés géantes sont rendues "harmonieuses" en conjuguant endoctrinement, délégation-abandon et coercition.

Ces effets de la centralisation et de la bureaucratie, rendues nécessaires par le gigantisme, sont de plus en plus néfastes.

De surcroît lorsqu'un haut dirigeant d'aujourd'hui prend une décision elle s'applique à une multitude sur un vaste territoire, donc si elle est mauvaise son impact est colossal. Des décisions locales, aux effets nécessairement circonscrits, sont moins dangereuses. Si elles portent leurs fruits les groupes voisins le constatent et s'en inspirent, puis elles se diffusent avec une latence aux effets similaires à ceux du principe de précaution.

De la même façon beaucoup d'humains n'apprécient pas d'être un rouage dans une immense machine. L'industrialisation améliore notre confort matériel au prix d'un gâchis colossal car une fraction sans cesse plus élevée de ce qui est produit est peu justifiable (dénombrez vos objets inutiles), or cette surproduction implique aujourd'hui bureaucratie, surexploitation des ressources, surcroît de pollution... et cela ne nous rend d'autant moins heureux que, pour ce faire, il faut "rationaliser" donc faire de nous autant de rouages.

Le rendement augmente avec la taille de l'unité de production, toutefois bénéficier du gros des gains de l'effet d'échelle n'implique pas de grand regroupement ni de centralisation jacobine, car des accords ponctuels entre petits groupes chacun autonome suffisent. Plusieurs groupes peuvent ainsi mener projet commun afin de construire puis maintenir ici un grand projet d'infrastructure.

L'émergence (ou ré-émergence) de ces petits groupes chacun autonome sera catalysée par le scepticisme ambiant, faisant que chacun se défie de plus en plus de tout ce qui lui semble lointain, institutions comprises. L'avènement du deepfake, rendant de plus en plus difficile de distinguer le vrai du faux, conduit rapidement les plus jeunes à ne croire que certains de leurs proches.

Par ailleurs cette façon de structurer une société humaine améliorerait la capacité de chacun à vivre selon ses convictions (si nécessaire en rejoignant un groupe plus adéquat).

Le cohésion transversale entre les groupes découlerait de leurs interactions (projets communs, pactes/alliances de protection mutuelle, exogamie, transfuges, pression des groupes neutres sur les agresseurs...)

Ces groupes auront ainsi tout intérêt à s'entendre, donc de la même façon des pactes établis entre eux les solidariseraient face à un agresseur.

http://fr.discu.org/.../soci%C3%A9t%C3%A9_%C3%A0_l%27%C3...

 

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